En route vers l'inconnu

À dos de son cheval gris Têtu, Adrian se dirigeait lentement vers... quelque chose, quelque part. Si son destin devait lui être révélé à la fin de cette route et qu'il en avait bien un, il doutait qu'il allait le connaître un jour et avec raison: des pluies diluviennes semblaient s'être abattues dans la région ce qui rendait la route difficilement pratiquable, même à dos de cheval. Dès qu'on tentait d'avancer d'un pas, on s'enfonçait de 15 à 20 centimètres dans le sol tellement ce dernier était instable et boueux.

Adrian donna quelques tape dans le cou de son cheval afin de le féliciter pour ses efforts et de l'encourager à continuer, mais c'est alors qu'il s'arrêta. Adrian lui donna quelque coups de talon en l'incitant à avancer, mais sans succès.

"Aller! Avance Têtu! Tu vas pas me faire un tour comme ça! Aller!"

Mais ce dernier ne bougeait pas d'un poil. Adrian lâcha un soupir.

"Aller! Tu auras une belle carotte lorsque nous serons arrivés à une auberge!"

Il attendit quelques instants, mais rien ne se passa.

"Bon! Très bien! T'as gagné! Tu la veux tout de suite? Et bien voilà!"

Adrian se mit à fouiller dans son sac de voyage et en sortit le légume tant convoité. Il s'étira et cassa une branche à la porté de sa main et sortit de la ficelle de son sac. Un fois la carotte attachée au bout du fil attaché au bout du bâton, il la tendit devant la tête de son cheval afin de l'inciter à avancer. Mais là encore, rien ne se passa.

"Ah non alors! Si tu crois que tu vas avoir cette carotte sans efforts, alors là tu te trompes! Il te faut avancer l'ami!"

Il donna quelques coups de talons dans les flancs de son cheval. Puis, désespéré, Adrian se résolu à descendre de cheval.

Tout de suite, il salit entièrement ses bottes. Il émit un grognement, puis s'avança devant son cheval. Aussitôt qu'il mit le pied devant ce dernier il s'enfonça davantage dans la boue jusqu'à en avoir jusqu'aux genous. Paniqué au début à s'enfoncer de la sorte, il leva les bras au ciel dont celle qui tenait le bâton, puis, une fois qu'il eut fini de s'enfoncer, la carotte devant le museau du cheval, ce derniers'en empara.

"Hey! Non! Non! Non! C'est pas comme ça que ça fonctionne mon gros"

Adrian tira sur le bâton pour récupérer une partie de la carotte, mais le cheval tenait très fort la carotte dans sa gueule et se mit à hennir de mécontentement. Adrian tira alors plus fort, mais la ficelle se rompu et il se retrouva dans la boue. Il commença alors à s'enfoncer.

"Têtu! Mais fais quelque chose!" dit-il en tentant sans succès de se remettre debout en continuant de s'enfoncer.

 « N'a-t-on pas idée de voyager par un temps pareil ! », lança Soryan en tendant sa main au malheureux qui s'était joliment enfoncé dans la boue. Certes, il n'était le mieux placé pour faire ce genre de remarque mais l'autre devait sans doute avoir autre chose dans la tête que de le jeter à la face de celui qui venait le secourir et qui aurait tout à fait pu passer son chemin.. Car Soryan devait bien le reconnaître, n'eussent été les remontrances de l'homme à sa monture, il ne se serait sans doute même pas rendu compte qu'il y avait quelqu'un sur la route. Et même alors, il aurait pu hésiter à prendre le risque de s'enfoncer à son tour dans la boue.
Fort heureusement, ce n'était pas le cas actuellement même si le voyageur sentait ses bottes s'enfoncer légèrement et, tout aussi inquiétant, menacer de partir avec ses pieds en laissant le reste de son corps en plan. Un piégé dans la boue, l'autre en train de patiner pour désespérément atteindre une zone moins glissante, voilà qui formerait sans doute un spectacle des plus appréciables pour les échassiers. Pour Soryan, c'était autant de raisons de ne pas s'attarder ici plus que nécessaire. Sans se soucier de savoir si oui ou non l'autre était d'accord avec ça, Soryan retira sa main et opta pour une autre approche. Il monta tant bien que mal sur le cheval et se pencha sur l'encolure dans l'espoir d'attraper le bout du bâton, ce qu'il réussit au prix d'un équilibre des plus improbables.

 « Vous feriez mieux de vous accrocher! »

Tant bien que mal, il tenta de faire reculer la bête mais l'animal avait montré qu'il pouvait être têtu quand il le voulait...

Le cheval parut surpris par l'arrivée du cavaliers. Apparemment, lui non plus n'avait pas entendu le nouveau venu approcher. Ne reconnaissant pas l'homme il démontra quelques signes de nervosité lorsqu'il s'approcha de son maître baignant dans la boue, mais lorsque l'étranger monta sur son dos, ce fût une tout autre affaire. Les muscles du cheval se contractèrent et il piaffa bruyamment pour montrer son mécontentement et se mit à marteler le sol de ses sabot dans un bruit de succion bizarre tout en montant et rabaissant la tête à plusieurs reprises, mais sans toutefois se déplacer. Cependant, il ne ressentit aucun sentiment d'insécurité venant de son cavalier. L'animal le sentait au contraire très ferme dans sa position et sur l'emprise qui détenait sur lui. Il rechigna alors encore pendant quelques secondes à obéir avant de se plier devant l'insistance de l'inconnu.

Enfin, Adrian sortit de la marre de boue. Une fois son cheval arrêté, il lâcha le bâton auquel il s'était accroché et se releva en manquant de peu de retomber dans la boue après avoir glissé. Il releva la tête vers l'homme sans qui, il serait toujours prisonnier de la marre.

"Merci, monsieur. Je vous dois une fière chandelle"

Il enleva de ses mains une bonne épaisseur de la boue qu'il avait un peu partout sur lui.

"Sacré cheval! Je savais que le poney à la moitié du prix du cheval serait plus utile que ce bourrin. Dites: Vous savez où il y aurait une auberge pas trop loin d'ici?"

C'est alors, que constatant qu'il ne connaissait même pas le nom de son sauveur, Adrian s'exclama:

"Ah! Mais pardonnez-moi! Je ne me suis pas présenté! Mon nom est Adrian. Adrian Mandrès. Si je peux faire quoi que ce soit pour vous remercier, demandez-moi et je me ferai un plaisir de vous aider autant qu'il m'est possible de le faire!"

" De rien, de rien...", fit Soryan en descendant prudemment du cheval. Il ne se fiait pas totalement à la bête et même si elle s'était tenue plutôt convenablement ces derniers temps, il préférait ne pas prendre de risques.
Ses bottes émirent un bruit de succions lorsque elles atterrirent dans la boue mais le voyageur n'en eu cure. Ce n'était de toute façon pas la peine de s'attarder et de se lamenter des heures durant sur ce qui relevait de l'inévitable quand on se promenait par ce temps.

" Je n'allais tout de même pas vous laisser moisir dans la boue. Bien qu'il paraisse que ce soit bon pour la peau.", ajouta-t-il avec un sourire dans l'ombre de son capuchon détrempé. Pour un peu, on s'attendrait même à voir ledit capuchon dégouliner à son tour. Il y avait des jours comme ça où il valait mieux se trouver une auberge, comme l'avait si justement sous entendu l'homme qu'il venait de tirer de ce fort mauvais pas.
Soryan réfléchit quelques instants puis annonça qu'effectivement, il connaissait une taverne non loin de là. Enfin, non loin... Il leur faudrait tout de même patauger encore quelques temps dans la boue avant de l'atteindre.

" Il y aurait bien celle de Malaeya un peu plus vers l'Ouest et avec de la chance, les routes seront plus praticable que celle ci. Je vous accompagnerai même monsieur Mandrès, vu que je risque de me transformer moi même en un tas de boue si je continue mon chemin..."

Tout en parlant, il montra clairement la boue qui maculait tout son manteau et avait même trouvé le moyen d'aller se fourrer sur son capuchon. Soryan était déjà à deux doigts d'être trempé jusqu'aux os alors c'est dire s'il était prêt à faire quelques concessions à ses principes. Il regarda monsieur Mandrès, Adrian de son prénom puis lâcha le nom qu'il venait de s'inventer.

" Vous pouvez m'appeler Chantelombre... Mais dîtes moi, qu'est ce qui vous a amené ici, ce n'est pourtant pas trop la saison pour voyager et... Il jeta un coup d'oeil au cheval. Je n'ai pas l'impression que c'est un très long périple que celui qui vous a amené à être embourbé sur ce chemin."