- Alors ?
- Il avait l’air furieux. Mais tu le connais, jamais il ne laisse paraître ses sentiments.
L’autre hocha la tête en signe d’affirmation, puis, d’un geste de la main, invita son interlocuteur à marcher un peu avec lui, le temps d’échanger les dernières nouvelles. Ils s’éloignèrent alors du palais, de la salle du trône où siégeait encore pour le moment le roi, pour vaguer dans les rues de Wildheart le Haut.
- Je me demande ce qui peut le mettre dans un tel état, prononça avec un air songeur le premier.
- D’après les récentes rumeurs, les rebelles deviendraient de plus en plus virulents. Ils commencent à devenir de plus en plus téméraires, et la trahison de Meryana et Alsyr Do'delmar a porté un coup à son moral. Vous vous rendez compte ? L’une des plus respectables et des plus anciennes familles de Wildheart, finir de cette façon, après avoir conspiré contre le roi. C’est inimaginable.
- Oui,répondit laconiquement son interlocuteur.
- Connaissez vous la dernière théorie sur les circonstances de leur disparition ? Elle est incroyable. Le dirigeant des patrouilles royales lui-même serait intervenu, et les aurait tué, car ils refusaient d’obtempérer. Or, des témoins jurent que la demeure des Do’delmar a pris feu, et…
À cet instant de son récit, son interlocuteur s’arrêta de marcher, et lui-même dut l’attendre, tout en l’observant avec une mine surprise.
- Les murs ont des oreilles, mon ami, et certaines choses feraient mieux de ne jamais être sues.
Un avertissement clair et précis. Trop parlé, ou mettre à jour des choses obscures pouvaient leur être fatales à tous deux. Et de toute façon, ils profitaient largement du système, et n’allaient sûrement pas s’en plaindre. Tant pis pour les fous qui ne suivaient pas. Des fous tels que les Do'delmar.
Finalement, l’interlocuteur se remit en marche, et une fois qu’il eut atteint le niveau de l’autre, ils reprirent leur conversation, comme si rien ne s’était passé.
- On raconte aussi que Soryan serait de retour. C’est possible, mais fort improbable, à mon avis. Il est resté tranquille si longtemps.
- Peu probable, mais possible, vous l’avez dit. Pour ma part, les rumeurs en disant toujours plus que les faits officiels.
- Comme toujours, vous avez raison.
- Et en ce qui concerne ce soldat renégat, ce déserteur, Ichikio ?
- Disparu de la circulation. Mais vous savez comme moi comment se comporte ces gens. On ne tardera pas à en entendre parler.
- Hmmm…
Silencieusement, ils continuèrent leur promenade. Quelques minutes passèrent ainsi, puis, un dernier échange de parole intervint.
- Pour en revenir aux Do’delmar, leur fille est toujours introuvable. Le roi doit avoir des projets pour elle, sinon, il ne la rechercherait pas si activement. Elle ne constitue pas une menace, pas seule. Que peut-il donc bien préparer ?
Cette dernière question avait été presque murmurée, comme si elle était plus le fruit questionnement intérieur qu’une simple demande d’avis à un vieil ami. Celui-ci ne répondit qu’après avoir mûrement réfléchit.
- Personne ne le sait. Personne. Et cette réponse avait comme un goût amer dans sa bouche, comme une constatation que jamais il n’aurait aimé faire. Sauf peut-être son ombre, son conseiller personnel.
Et cela aussi avait un goût amer pour lui. Ces paroles flottèrent quelques temps dans l’air, avant de se dissiper, à la séparation des deux hommes. Chacun avait sa vie à mener…